samedi 2 mars 2013

La marque des villes


Depuis que Roberto a lancé la mode, on ne compte plus le nombre de manœuvres de certains habitants de grandes villes pour faire parler de leur métropole. Pas un jour ne passe sans qu'une nouvelle initiative de promotion ne fasse surface.

Il faut dire que la concurrence semble être vive entre les cités; elles pourraient notamment toutes plus ou moins chercher à se prévaloir d'un rayonnement international, d'infrastructures et d'universités hors pair capables d’accompagner les projets les plus audacieux, et d'un cadre de vie exceptionnel ...

Tout cela Roberto l'a compris, c'est pourquoi il a choisi d'arborer fièrement les couleurs de sa ville fétiche.

Il a été rejoint depuis par une foule d'ambassadeurs nouveaux, portant tout aussi crânement sur eux la marque urbaine, imprimée sur du bel ouvrage messieurs dames, assemblé par de méticuleuses petites mains asiatiques.


Lucette par exemple, récemment incarcérée dans un quartier haute sécurité pour avoir euthanasié à coups d'aiguilles à tricoter sa voisine du dessous qui souffrait de Julienlepersite (un syndrome touchant 45 à 50% des plus de 70 ans induisant une perte d’acuité auditive lorsque la télévision est allumée ainsi qu'une addiction aux quizz chronométrés), porte un très joli T-shirt 98% coton / 2% spandex avec la mention "I amsterdam", rappelant combien les Néerlandais sont polyglottes et ont par ailleurs le sens des belles tournures.



De vilaines langues prétendent que ces initiatives ne sont pas le fruit du hasard, mais de stratégies savamment orchestrées par des agences de com' abondamment payées par des équipes municipales préparant minutieusement le renouvellement de leurs mandats...
Rhhaaah que de viles commérages !

Ce n'est pas parce que des villes "investissent" jusqu'à trois fois plus par habitant que l'agence spatiale européenne (10€ / an et par européen selon les chiffres de l'ESA pour le programme spatial) qu'il faudrait commencer à critiquer... Et encore, le mode de présentation de la comptabilité publique restant assez obscur, même un œil aguerri aura du mal à isoler ce qui est réellement dépensé sur les lignes communication et relations publiques - c'est donc souvent sur la base d'un déclaratif que les classements (cf les données collectées par Public Evaluation System) sont établis. Autant dire qu'on ne saura jamais vraiment combien Roberto et Lucette ont réellement payé leurs T-shirts, la part ponctionnée sur leurs impôts locaux et fonciers pour la "fashion attitude" étant pour le moins trouble.

Car être dans l'ère du temps, c'est beaucoup plus qu'une vulgaire question d'argent public. Tout d'abord c'est mettre des anglicismes dans tous les slogans, pour montrer combien on est "in", un peu comme JCVD est "aware".
 
On va donc créer des déclinaisons du type :
  • Lille's Arts, Lille's Sports...
  • Montpellier unlimited
  • The Europtimist (Strasbourg)
  • Onlylyon ...
Ensuite il faut jouer un peu de trompette, rameuter tous ses copains pour une grosse soirée (louer le Zénith du coin si possible). L'idéal étant bien sûr d'avoir plusieurs milliers de personnes  pour taper dans les mains. On peut même aller jusqu'à chanter une petite chanson... allez Jean-Pierre, allez Jean-Pierre...



Enfin il faut distribuer du papier gras, si possible en plusieurs langues (à la CCI, dans les aéroports, dans les pépinières locales voire même sur le parvis de la défense).

Être dans l'ère du temps, c'est être capable de créer une identité de toute pièces, prémâchée par un consultant externe ou une agence de communication.

Être dans l'ère du temps, c'est continuer de creuser le fossé entre une population qui montre de plus en plus de défiance face à ses élus et des "élites" vivant presque uniquement dans un microcosme économique, peu représentatif du quotidien de la plupart des administrés.

Être dans l'ère du temps, c'est faire le jeu des spécialistes du marketing, qui apeurés par le ralentissement économique ou les tourmentes de la grande distribution (affaire Spanghero, ententes sur les prix etc) cherchent de nouveaux relais de croissance. Le city branding connait d'ailleurs des marques d'attention toutes particulières de la part des professionnels, à en croire le nombre d'articles, de livres et de blogs sur le sujet (voire des thèses...).

On peut cependant comprendre que le développement économique et culturel d'une cité ne soit pas une chose aisée. On demande des compétences de plus en plus larges aux élus compte tenu de l’interconnexion de leur ville au reste du monde. Ils doivent penser global et agir local, ce qui peut forcer à nombre de contorsions mentales, relationnelles, budgétaires, voire idéologiques.

Personnellement j'aurais préféré que ma ville investisse ces millions d'euros dans des pistes cyclables plutôt que dans une marque. Je pense que la communication se serait faite presque par elle-même, portée par l' engouement populaire autour d'un tel projet. La cool attitude ne se décrète pas mais découle bien davantage des actions favorisant le "vivre ensemble".


H Polin


Sources :

http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/196900/une-ville-une-marque.html

http://www.laposte.fr/lehub/Bienvenue-a-l-ere-des-villes

http://www.rue89.com/rue89-politique/2013/01/06/montpellier-metz-et-caen-au-top-des-villes-fond-la-com-238307
 
http://www.denverpost.com/business/ci_22624172/lafayette-mulls-value-establishing-city-brand

http://www.midilibre.fr/2012/11/10/provencel-pubard-en-colere-conflit-d-interets-sur-unlimited,591985.php

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