mercredi 13 mars 2013

La durée du travail

Et une victoire de plus pour la connerie !

Lu ce matin dans le figaro :

Le tribunal de grande instance de Paris a interdit à Apple d'employer des salariés de nuit dans sept magasins français, dont l'Apple Store Opéra. Dans sa décision, dont Le Figaro à pris connaissance, le tribunal fait "interdiction à Apple Retail France d'employer des salaries entre 21 et 6 heures (...) et ce sous astreinte provisoire de 50.000 euros par infraction constatée".

Apple est aussi condamné à payer aux syndicats demandeurs la somme de 10.000 euros "au titre de provision à valoir sur les dommages et intérêt".

"C'est une décision très favorable pour les salariés, dont nous pouvons nous féliciter", commente un représentant du syndicat Sud-Commerce. Une décision aux prudhommes sur le même sujet est attendue le 16 avril.

Je n'ai rien contre les néo-marxistes, les néo-libéraux, les néo-ruraux et les néo-cons en général. Il y a dans chaque catégorie un grand nombre d'imbéciles qui répètent en chœur les inepties d'autres individus de leur espèce, alors qu'ils pourraient tout aussi bien dire ce qui leur passe par la tête. Difficile de savoir si ce vénérable représentant du syndicat Sud-Commerce joue dans la catégorie des transpondeurs ou dans celle des émetteurs. Il est toutefois intéressant d'un point de vue purement intellectuel de décortiquer à la fois la situation et la chaîne de réactions.

La loi Française est aujourd'hui l'une des plus restrictive en matière d'ouverture des commerces en Europe. L'ouverture le dimanche est en principe interdite sauf dérogations précises (lieux touristiques, commerces alimentaires jusqu'à midi, etc). Cette sanctuarisation du repos dominical repose sur la reconduction de règles religieuses (conciles du moyen-âge et de la Renaissance stipulant notamment l'obligation d'assister à la messe), subtilement habillées au lendemain de la révolution industrielle par une prescription sanitaire. Car sinon pourquoi imposer le dimanche comme jour de repos ? La limitation de la durée hebdomadaire du travail ne suffisait-elle pas ?
La France se retrouve donc ligotée à une position règlementaire vieille de plus d'une centaine d'années (loi de 1906), on frise l'irrationnel.

De son temps, le dangereux néo-libéral Voltaire s'était déjà attaqué à la moutonnerie ambiante, de celles dont on fait les plus belles bures, qui voulusse que dimanche rimasse avec pêche à la tanche :


Requête à tous les magistrats du royaume - 1769

On voit mal aujourd'hui un député proposer un tel programme avant-gardiste, tant l'audace et la créativité ont été remplacées par le trend analysis des données de masse de twitter ou de pseudos sondages (je ferai prochainement un billet sur le sujet).

Qu'est que ça peut leur faire aux politiques si on préfère dormir le lundi ?

A l'heure de l'achat sur internet avec livraison en 24h, frais de port gratuits et échange possible dans les trente jours, certains continuent de s'arc-bouter sur des positions passéistes en prétendant défendre le bien-être des salariés. Pire, ils font entrer en résonance des sujets généraux de société avec des clivages politiques, qui existent surtout parce que bon nombre de médias traditionnels en ont besoin pour organiser des débats-spectacles. On peut voter à gauche et aller à Jardiland le dimanche, voire même être de droite et refuser obstinément de tuteurer ses plantes vertes le mardi, ne me demandez pas pourquoi.

A l'heure où l'on cherche désespérément à créer de l'emploi en France, ouvrir de nouvelles plages horaires de service permettrait de créer mathématiquement un volant supplémentaire d'activité, et donc de richesses. Quand à l'argument de l'exploitation avilissante des ressources humaines au dépend du repos et l'équilibre personnel, il est possible de l'entendre mais en aucun cas il ne devrait créer un fossé insurmontable et préalable à toute discussion. Certaines pratiques actuel de travail fractionné sont sans doutes bien pires qu'une ouverture dominicale payée double et basée par exemple sur un système de volontariat. On peut imaginer que la formule puisse intéresser un parent célibataire avec garde alternée qui se retrouve malgré lui un week-end sur deux à regarder Michel Drucker.

Plus largement, ce faux débat reflète une conception du travail complètement archaïque où des relents de lutte des classes influencent encore les jeux internes des sociétés. Un carcan où le verbe travailler ne se résume qu'à ses connotations les plus crasses, sans prendre en compte les dimensions d'épanouissement, de réalisation, de collectif... A quand l'ère de l'entreprise 2.0 où plus de transparence et d'éducation économique permettraient à un ensemble de personnes de s'auto-fédérer autour de projets ? On se poserait alors sans doute des questions beaucoup plus intéressantes que de savoir quel est le jour idéal pour rester sous la couette.

Car pendant ce temps perdu à s'écharper comme des collégiennes, des groupes comme Amazon accélèrent la mutation des habitudes de consommation, et prennent peu à peu des positions dominantes sur la distribution de certains produits. La véritable concurrence déloyale est là : l'inertie règlementaire favorise par défaut ceux qui osent des changements drastiques de modèle.

H Polin


Sources :

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/03/12/97002-20130312FILWWW00437-apple-store-travail-de-nuit-interdit.php

http://fr.wikipedia.org/wiki/Repos_dominical_en_France

http://www.senat.fr/lc/lc126/lc126_mono.html

http://finances.fr.msn.com/ouverture-des-commerces-des-disparit%C3%A9s-en-europe

http://news.fr.msn.com/m6-actualite/economie/la-justice-interdit-%C3%A0-auchan-douvrir-le-dimanche-%C3%A0-perpignan-1

et parmi les réactions sur le forum figaro, celle de pitch net...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire