mardi 19 mars 2013

Le hold-up




- Haut les mains ceci est un hold-up ! s’écrièrent en entrant dans la banque les deux hommes aux chapeaux melons, costumes noirs et moustaches protubérantes, accompagnés d'un petit chien blanc.

Les employés et les quelques clients présents ce lundi matin se regardèrent, mi-amusés, mi médusés.

- Pardon ? répondit la plus hardie des guichetières avec une voix mi molette

- Mais vous n'avez même pas d'armes, lança une autre hôtesse, celles-ci ne sont que de modestes cannes, pas des mitraillettes

- Nous n'avons peut-être pas d'armes, répondit le premier homme au melon qui se nommait Dupont, mais nous avons le papier de la grosse commission

- La grosse commission !!!  mais qu'est-ce qu'on n'en a à faire, lança un des clients, qui était mi turc mi grec

- Qu'ils viennent eux même ces baltringues, renchérit aussitôt un autre larron, on n'en a rien à secouer de leurs missives !

- Nous ne faisons qu’obéir aux ordres des commissaires, poursuivi le deuxième melon qui s'appelait quant à lui Dupont, et je vous conseille d’obtempérer si vous ne voulez pas faire subir à votre pays les foudres de la colère bruxelloise.., tout en finissant sa phrase d'un ton bien mystérieux

- Tu viens chez nous pour nous voler ! va donc te faire voir à Mikonos

- Mais quel est donc tout ce tintamarre ? tonna alors le directeur de la banque poussant la porte de son bureau, lequel était tout proche du grand hall, pour ne pas dire mitoyen

- Monsieur, nous représentons la grosse commission et nous venons procéder à un prélèvement de 7 à 10% sur tous les dépôts, expliqua Dupont sans minauder

- Je dirais même plus, continua Dupond, il faut qu'on lève 5,8 milliards d'euros aujourd'hui, alors je vous prie de vous dépêcher, on n'a pas la mi-journée

- Mais vous êtes dingues ! qui a décidé cela ? si je vous laisse faire je vais me faire luncher par mes clients, et les pauvres je les comprendrais, ils vivent déjà dans une telle misère !!!

- Monsieur, les ordres sont les ordres, et il nous faut prendre un peu à tous, on ne peut pas faire deux poids deux mi-mesures



- Mais c'est scandaleux, vous allez taxer des petits épargnants qui ont passé leur vie à économiser, tout ça parce que le pays est mal géré ! Pourquoi vous ne prenez pas aux riches plutôt ? hurla le directeur au bord de l'infarctus du myocarde

- Moi c'est Milou répondit le clébard. On a déjà volé les bijoux de la Castafiore mais ça na pas suffit, et puis surtout ça faisait un peu misogyne

- C'est vraiment une histoire de dingue ! et puis c'est quoi ce petit reporter qui prend des notes là ? Pourquoi rédige t-il son article avec des "mi" aux antépénultièmes syllabes, bon sang de misérables ?

- En matière de rigueur, y compris rédactionnelle, la grosse commission impose des règles absconses mais cependant millimétrées

- Foutez moi le camp les gueules de balayettes, et retournez jouer au mikado

- Nous ne partirons qu'après avoir accompli notre travail !!  tonitrua Dupont d'un air missionné

- Je dirais même plus, continua Dupond, nous ne partirons qu'une fois la tâche terminée, quitte à appeler les militaires

- Ouais c'est ça ! qu'ils viennent les verts de gris ! hurla en chœur l'assemblée tout en repoussant bravache les deux compères vers leur 2CV garée sur le trottoir derrière un mini-bus


Blêmes, Dupont et Dupond mirent la clé de contact et repartirent penauds sous les crachats et les jurons, en se disant que leur mission ne serait pas aussi facile qu'on leur avait prédit, là haut à la grosse commission.

Leur première sortie ne leur avait permis que d'étrenner leur nouvelle 2 CV, la dernière de toutes les 2CV produites,  achetée la veille aux enchères - une édition millésimée...


H Polin

Sources :

http://www.leparisien.fr/automobile/la-carcasse-de-la-derniere-2cv-vendue-aux-encheres-10-800-euros-17-03-2013-2647079.php

http://tempsreel.nouvelobs.com/topnews/20130319.AFP7030/chypre-la-taxe-impopulaire-sur-les-depots-epargne-les-petits-deposants.html

vendredi 15 mars 2013

Les adorateurs de PI


Ils l'ont fait, my god... Ils ont mis deux ailes à sale !!!
Mais qui sont ces gens étranges que l'on retrouve récitant pendant des heures les décimales du nombre PI, se regroupant chaque année sur les terrains vagues de San Francisco et arborant des T-shirts improbables ?

Est-ce une contre manifestation, un acte désespéré des adorateurs de la science en réponse aux catholiques appelés à prier ensemble place Saint Pierre ? Une ultime provocation des Archimédistes contre les Déistes ? Un geste mutin de désœuvrés mettant leur "zèle à fabriquer de grandes circonstances avec de petits évènements ?".

Autant de questions vitales jetées à la pâture de nos esprits anémiques mais cependant insatiables de perfides et doctes jugements.

Alors que penser des adorateurs de PI ? Faut-il les blâmer de leur circularité ? Faut-il les montrer à l'annulaire sous une ronde de jurons patibulaires ? Faut-il les renvoyer dans les cercles de parole de leurs arrondissements respectifs ? Faut-il les soumettre au supplice de la roue ou faut-il les circonscrire à la naissance ? Par quelles ordalies les faire abjurer ?



chapi chapi chapo, tut tut tut ....
En vérité je vous le dis aujourd'hui, le 14 mars me laisse circonspect...

Jojo


Sources :


http://www.theatlanticcities.com/neighborhoods/2013/03/what-kind-people-celebrate-san-franciscos-pi-day/4993/

http://www.lexpress.fr/actualites/1/actualite/journee-de-celebration-du-nombre-pi-au-palais-de-la-decouverte_1231724.html

mercredi 13 mars 2013

La durée du travail

Et une victoire de plus pour la connerie !

Lu ce matin dans le figaro :

Le tribunal de grande instance de Paris a interdit à Apple d'employer des salariés de nuit dans sept magasins français, dont l'Apple Store Opéra. Dans sa décision, dont Le Figaro à pris connaissance, le tribunal fait "interdiction à Apple Retail France d'employer des salaries entre 21 et 6 heures (...) et ce sous astreinte provisoire de 50.000 euros par infraction constatée".

Apple est aussi condamné à payer aux syndicats demandeurs la somme de 10.000 euros "au titre de provision à valoir sur les dommages et intérêt".

"C'est une décision très favorable pour les salariés, dont nous pouvons nous féliciter", commente un représentant du syndicat Sud-Commerce. Une décision aux prudhommes sur le même sujet est attendue le 16 avril.

Je n'ai rien contre les néo-marxistes, les néo-libéraux, les néo-ruraux et les néo-cons en général. Il y a dans chaque catégorie un grand nombre d'imbéciles qui répètent en chœur les inepties d'autres individus de leur espèce, alors qu'ils pourraient tout aussi bien dire ce qui leur passe par la tête. Difficile de savoir si ce vénérable représentant du syndicat Sud-Commerce joue dans la catégorie des transpondeurs ou dans celle des émetteurs. Il est toutefois intéressant d'un point de vue purement intellectuel de décortiquer à la fois la situation et la chaîne de réactions.

La loi Française est aujourd'hui l'une des plus restrictive en matière d'ouverture des commerces en Europe. L'ouverture le dimanche est en principe interdite sauf dérogations précises (lieux touristiques, commerces alimentaires jusqu'à midi, etc). Cette sanctuarisation du repos dominical repose sur la reconduction de règles religieuses (conciles du moyen-âge et de la Renaissance stipulant notamment l'obligation d'assister à la messe), subtilement habillées au lendemain de la révolution industrielle par une prescription sanitaire. Car sinon pourquoi imposer le dimanche comme jour de repos ? La limitation de la durée hebdomadaire du travail ne suffisait-elle pas ?
La France se retrouve donc ligotée à une position règlementaire vieille de plus d'une centaine d'années (loi de 1906), on frise l'irrationnel.

De son temps, le dangereux néo-libéral Voltaire s'était déjà attaqué à la moutonnerie ambiante, de celles dont on fait les plus belles bures, qui voulusse que dimanche rimasse avec pêche à la tanche :


Requête à tous les magistrats du royaume - 1769

On voit mal aujourd'hui un député proposer un tel programme avant-gardiste, tant l'audace et la créativité ont été remplacées par le trend analysis des données de masse de twitter ou de pseudos sondages (je ferai prochainement un billet sur le sujet).

Qu'est que ça peut leur faire aux politiques si on préfère dormir le lundi ?

A l'heure de l'achat sur internet avec livraison en 24h, frais de port gratuits et échange possible dans les trente jours, certains continuent de s'arc-bouter sur des positions passéistes en prétendant défendre le bien-être des salariés. Pire, ils font entrer en résonance des sujets généraux de société avec des clivages politiques, qui existent surtout parce que bon nombre de médias traditionnels en ont besoin pour organiser des débats-spectacles. On peut voter à gauche et aller à Jardiland le dimanche, voire même être de droite et refuser obstinément de tuteurer ses plantes vertes le mardi, ne me demandez pas pourquoi.

A l'heure où l'on cherche désespérément à créer de l'emploi en France, ouvrir de nouvelles plages horaires de service permettrait de créer mathématiquement un volant supplémentaire d'activité, et donc de richesses. Quand à l'argument de l'exploitation avilissante des ressources humaines au dépend du repos et l'équilibre personnel, il est possible de l'entendre mais en aucun cas il ne devrait créer un fossé insurmontable et préalable à toute discussion. Certaines pratiques actuel de travail fractionné sont sans doutes bien pires qu'une ouverture dominicale payée double et basée par exemple sur un système de volontariat. On peut imaginer que la formule puisse intéresser un parent célibataire avec garde alternée qui se retrouve malgré lui un week-end sur deux à regarder Michel Drucker.

Plus largement, ce faux débat reflète une conception du travail complètement archaïque où des relents de lutte des classes influencent encore les jeux internes des sociétés. Un carcan où le verbe travailler ne se résume qu'à ses connotations les plus crasses, sans prendre en compte les dimensions d'épanouissement, de réalisation, de collectif... A quand l'ère de l'entreprise 2.0 où plus de transparence et d'éducation économique permettraient à un ensemble de personnes de s'auto-fédérer autour de projets ? On se poserait alors sans doute des questions beaucoup plus intéressantes que de savoir quel est le jour idéal pour rester sous la couette.

Car pendant ce temps perdu à s'écharper comme des collégiennes, des groupes comme Amazon accélèrent la mutation des habitudes de consommation, et prennent peu à peu des positions dominantes sur la distribution de certains produits. La véritable concurrence déloyale est là : l'inertie règlementaire favorise par défaut ceux qui osent des changements drastiques de modèle.

H Polin


Sources :

http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2013/03/12/97002-20130312FILWWW00437-apple-store-travail-de-nuit-interdit.php

http://fr.wikipedia.org/wiki/Repos_dominical_en_France

http://www.senat.fr/lc/lc126/lc126_mono.html

http://finances.fr.msn.com/ouverture-des-commerces-des-disparit%C3%A9s-en-europe

http://news.fr.msn.com/m6-actualite/economie/la-justice-interdit-%C3%A0-auchan-douvrir-le-dimanche-%C3%A0-perpignan-1

et parmi les réactions sur le forum figaro, celle de pitch net...

samedi 2 mars 2013

La marque des villes


Depuis que Roberto a lancé la mode, on ne compte plus le nombre de manœuvres de certains habitants de grandes villes pour faire parler de leur métropole. Pas un jour ne passe sans qu'une nouvelle initiative de promotion ne fasse surface.

Il faut dire que la concurrence semble être vive entre les cités; elles pourraient notamment toutes plus ou moins chercher à se prévaloir d'un rayonnement international, d'infrastructures et d'universités hors pair capables d’accompagner les projets les plus audacieux, et d'un cadre de vie exceptionnel ...

Tout cela Roberto l'a compris, c'est pourquoi il a choisi d'arborer fièrement les couleurs de sa ville fétiche.

Il a été rejoint depuis par une foule d'ambassadeurs nouveaux, portant tout aussi crânement sur eux la marque urbaine, imprimée sur du bel ouvrage messieurs dames, assemblé par de méticuleuses petites mains asiatiques.


Lucette par exemple, récemment incarcérée dans un quartier haute sécurité pour avoir euthanasié à coups d'aiguilles à tricoter sa voisine du dessous qui souffrait de Julienlepersite (un syndrome touchant 45 à 50% des plus de 70 ans induisant une perte d’acuité auditive lorsque la télévision est allumée ainsi qu'une addiction aux quizz chronométrés), porte un très joli T-shirt 98% coton / 2% spandex avec la mention "I amsterdam", rappelant combien les Néerlandais sont polyglottes et ont par ailleurs le sens des belles tournures.



De vilaines langues prétendent que ces initiatives ne sont pas le fruit du hasard, mais de stratégies savamment orchestrées par des agences de com' abondamment payées par des équipes municipales préparant minutieusement le renouvellement de leurs mandats...
Rhhaaah que de viles commérages !

Ce n'est pas parce que des villes "investissent" jusqu'à trois fois plus par habitant que l'agence spatiale européenne (10€ / an et par européen selon les chiffres de l'ESA pour le programme spatial) qu'il faudrait commencer à critiquer... Et encore, le mode de présentation de la comptabilité publique restant assez obscur, même un œil aguerri aura du mal à isoler ce qui est réellement dépensé sur les lignes communication et relations publiques - c'est donc souvent sur la base d'un déclaratif que les classements (cf les données collectées par Public Evaluation System) sont établis. Autant dire qu'on ne saura jamais vraiment combien Roberto et Lucette ont réellement payé leurs T-shirts, la part ponctionnée sur leurs impôts locaux et fonciers pour la "fashion attitude" étant pour le moins trouble.

Car être dans l'ère du temps, c'est beaucoup plus qu'une vulgaire question d'argent public. Tout d'abord c'est mettre des anglicismes dans tous les slogans, pour montrer combien on est "in", un peu comme JCVD est "aware".
 
On va donc créer des déclinaisons du type :
  • Lille's Arts, Lille's Sports...
  • Montpellier unlimited
  • The Europtimist (Strasbourg)
  • Onlylyon ...
Ensuite il faut jouer un peu de trompette, rameuter tous ses copains pour une grosse soirée (louer le Zénith du coin si possible). L'idéal étant bien sûr d'avoir plusieurs milliers de personnes  pour taper dans les mains. On peut même aller jusqu'à chanter une petite chanson... allez Jean-Pierre, allez Jean-Pierre...



Enfin il faut distribuer du papier gras, si possible en plusieurs langues (à la CCI, dans les aéroports, dans les pépinières locales voire même sur le parvis de la défense).

Être dans l'ère du temps, c'est être capable de créer une identité de toute pièces, prémâchée par un consultant externe ou une agence de communication.

Être dans l'ère du temps, c'est continuer de creuser le fossé entre une population qui montre de plus en plus de défiance face à ses élus et des "élites" vivant presque uniquement dans un microcosme économique, peu représentatif du quotidien de la plupart des administrés.

Être dans l'ère du temps, c'est faire le jeu des spécialistes du marketing, qui apeurés par le ralentissement économique ou les tourmentes de la grande distribution (affaire Spanghero, ententes sur les prix etc) cherchent de nouveaux relais de croissance. Le city branding connait d'ailleurs des marques d'attention toutes particulières de la part des professionnels, à en croire le nombre d'articles, de livres et de blogs sur le sujet (voire des thèses...).

On peut cependant comprendre que le développement économique et culturel d'une cité ne soit pas une chose aisée. On demande des compétences de plus en plus larges aux élus compte tenu de l’interconnexion de leur ville au reste du monde. Ils doivent penser global et agir local, ce qui peut forcer à nombre de contorsions mentales, relationnelles, budgétaires, voire idéologiques.

Personnellement j'aurais préféré que ma ville investisse ces millions d'euros dans des pistes cyclables plutôt que dans une marque. Je pense que la communication se serait faite presque par elle-même, portée par l' engouement populaire autour d'un tel projet. La cool attitude ne se décrète pas mais découle bien davantage des actions favorisant le "vivre ensemble".


H Polin


Sources :

http://www.strategies.fr/etudes-tendances/dossiers/196900/une-ville-une-marque.html

http://www.laposte.fr/lehub/Bienvenue-a-l-ere-des-villes

http://www.rue89.com/rue89-politique/2013/01/06/montpellier-metz-et-caen-au-top-des-villes-fond-la-com-238307
 
http://www.denverpost.com/business/ci_22624172/lafayette-mulls-value-establishing-city-brand

http://www.midilibre.fr/2012/11/10/provencel-pubard-en-colere-conflit-d-interets-sur-unlimited,591985.php