samedi 17 mars 2012

Mais qui contrôle Internet ?




Tic tac, tic tac, le compte à rebours résonne comme l'horloge franc-comtoise dans le couloir de chez ma tante Martine. Je ne sais pas vous mais moi ça me fout le bourdon.

Dans moins de deux semaines ce sera la date limite du dépôt de candidature pour obtenir sa propre extension de nom de domaine (  www.monbeausitetoutneuf.hpolin ).
C'est l'arrivée fracassante des nouveaux noms de domaines génériques, les "gTLDs" (Generic Top Level Domains pour les intimes).

Autant dire que les ".fr", les ".com", les ".pl" et ".kaz" (si vous êtes l'heureux propriétaire d'une boutique au Kazakhstan) seront bientôt complètement has been. Ou peut-être pas...

La demande d'enregistrement coûte à elle seule $185 000 (evaluation fee), que la candidature soit approuvée ou non... sans compter un forfait de $25 000 à honorer ensuite pour le renouvellement annuel.
A ce prix là vous m'en mettrez quatre plus une moitié de reblochon fermier.

Alors oui c'est un peu cher mais bon comme on dit au Qatar tant que tu n'as pas pavé ta rue avec des lingots d'or tes voisins peuvent se moquer de toi et te prendre pour un minable, voir même pour un poète.

Rappelons que l'organisme chargé de la gestion des noms de domaines s'appelle L'ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers) et est une organisation à but non lucratif (sans rire ...) basée en Californie et relevant donc du département américain du commerce.

Son comité de direction (votants) est composé de 16 personnes, et même les moins perspicaces d'entre nous assommés par une triple dose de valium ingurgitée nonchalamment en regardant un match du PSG auront remarqué que ces honorables "board members" ont tous un lien plus ou moins direct avec les Etats Unis. La gouvernance de l'ICAAN a d'ailleurs été maintes fois contestée (notamment par la France et la Suède qui lui préfèreraient un rattachement à une structure Onusienne). Une note diplomatique de Bernard Kouchner et Nathalie Kosciusko-Morizet avait été publiée en octobre 2009 dans ce sens.

C'est donc une manne financière sans précédent qui va tomber dans les cai-caisses de l'ICANN, donc dans la balance commerciale des US. Mon copain Patrick, dont je vous ai déjà parlé dans un billet précédent pour sa propension à se la péter en maths depuis qu'il croit avoir compris la démonstration du théorème de Fermat, faisait le calcul suivant :
De ceux à même de déposer leurs propres noms de domaines génériques citons les 500 plus grosses boites de la planète (qui peuvent même demander plusieurs noms selon leurs marques), environ 200 pays, des régions (il parait que le dossier .corsica a été soumis...), des lobbys (une extension .med pour les labos pharma...) sans compter les mégalos, ce qui peut bien faire au total entre 2000 et 3000 candidatures. A $185 000 chaque enregistrement, on arrive vite à 500 millions de $.

Pour ne surtout alerter personne sur ce racket programmé, l'ICAAN a inscrit à son budget 2012 seulement 27,565 k$ pour les honoraires d'enregistrement  des nouveaux gLTD, ... ce qui fait très exactement 149 candidatures au dollar près, une estimation osons le terme... plutôt prudente.
Soit ils ne croient pas du tout dans cette "Révolution" soit ils se fichent complètement de nos trognes.

Heureusement que des sources plus sérieuses telles que mon ami Jojo, qui n'a pas son pareil pour vous dire quel cheval sortira dans la 3ème et le temps qu'il fera hier, mettent en lumière la grossière incohérence que même Pedro notre stagiaire infographiste maniant Excel comme une loutre espagnole, avait décelé.
Son graphique ci-contre aux magnifiques couleurs du drapeau moldave en est une preuve aussi vibrante que la ceinture sport elec du téléachat.


Mais au delà de la qualité prévisionniste digne des réglages GPS du LHC (le grand collisionneur de lardons, ou la petite boucle de Genève qui donne des performances Amstronguiennes aux neutrinos), c'est le principe même d'une zone de liberté et de partage qui est en train de s'étioler.

On est tout simplement en train de créer l'internet des puissants et celui des autres, celui de la communication et celui de l'information. Et si le prochain printemps arabe était la remise en cause des pouvoirs sur le Net ?

En tous cas, certains ont déjà commencé à créer leurs propres zones franches, déconnectées de l'architecture mondiale du "Grand Réseau". Citons par exemple le projet Uncloud qui vise à créer des partages locaux via les connections sans fils des appareils connectés, la transformation de sans abris en hot spots aux Etats Unis ou même le projet complètement dingue de Dead Drops qui consiste à sceller des clés USB dans des lieux publics, ce qui revient à peu près à faire utilisation commune de mouchoirs en tissu dans un sanatorium de tuberculeux.

En tous cas, avec Jacky et René, mes voisins, on a développé un internet bien à nous,100% frenchy.
On a enterré un vieux disque dur sous la clôture, et tiré de grands câbles.
René partage les photos de sa femme sous la douche, Jacky ses vidéos de pêche en mer et moi mes enregistrements pirates de la salle de concert locale réalisés avec une astucieuse combinaison d'enregistreur numérique et de poste à galène. On entre en résistance avec les moyens du bord...

Pour ceux qui veulent nous rejoindre sur notre "en terre net", envoyez moi un message, je vous indiquerai la marche à suivre et le numéro du compte bancaire au Lichtenstein à créditer. A bon entendeur ...

h polin


Sources :
Site de l'Icann:
Transformation de SDF en hot spots :
note diplomatique de Bernard Kouchner et Nathalie Kosciusko-Morizet :
projet dead drops :
projet Uncloud :

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